Les chiffres ont un visage

Fin 2010, le gouvernement français a procédé à 28 000 expulsions de personnes étrangères en séjour irrégulier sur le territoire. Le quota pour 2011 sera fixé à 29 000, et finalement largement dépassé selon le chef d’orchestre de cette politique du chiffre, Claude Guéant en poste depuis février 2011 au ministère de l'Immigration et de l’Identité nationale. Il annonce (le 10 janvier 2012 lors d’un point presse )  « le chiffre record » de 32 922 expulsions, « c’est le plus élevé jamais atteint » avant de rappeler les objectifs du gouvernement pour 2012, 35 000 expulsions.
Derrière ces chiffres, froids et anonymes, il se garde bien de rappeler comme avant lui, messieurs Hortefeux et Besson, qu’il y a des hommes. On parle de dossiers, de situations administratives, de procédures, de textes de lois, de pourcentages ou de statistiques, mais jamais de personnes, de parcours, de familles ou de vies.
On oublie aussi, trop souvent, de dire que cette politique du chiffre n’est pas applaudie par tous. Ils sont nombreux ceux qui refusent de se soumettre au diktat de la peur de l’étranger, à la stigmatisation de l’autre et de ses différences. Ils sont nombreux ceux qui pensent qu’on ne peut fermer les yeux sur la violence faite aux étrangers et sur l’injustice qui en découle. Ils sont nombreux et ils s’organisent pour dénoncer la « crispation sécuritaire » qui marque les politiques française et européenne au point de bafouer régulièrement les textes internationaux relatifs aux droits de l’homme, la convention de Genève relative au statut de réfugiés, ou encore la Convention internationale des Droits de l’Enfant.
L’Europe se ferme sur elle-même, la France aussi, qui en sept ans aura vu cinq réforme du CESEDA (Code d’entrée du séjour des étrangers et des demandeurs d’asiles) se succéder, marquant chaque fois un pas supplémentaire vers la régression des droits des migrants, et donnant lieu à une véritable chasse aux sans papiers, touchant indistinctement les réfugiés, les familles, les malades ou les enfants.
Pour refuser cette stigmatisation une forme de résistance aux lois « injustes » de la république se met en place. La désobéissance civile devient une forme de lutte qui se structure en collectifs. Les amoureux au ban public, les cercles de silence, les collectifs « travailleurs sans papiers », le Réseau éducation sans frontières…
C’est avec ce dernier surtout que j’ai passé plus de quatre ans pour approcher la réalité quotidienne de ceux que l’on nomme poliment « les sans papiers ». Leur réalité, mais aussi celle des militants qui s’investissent à leurs côtés, qui les soutiennent, qui les accompagnent ou qui les cachent. RESF n’est pas une association humanitaire, c’est un réseau d’action qui sait agir et se mobiliser « pour ne pas accepter l’inacceptable ».
Avec eux j’ai réalisé ce travail pour rappeler que les chiffres ont un visage !